LE TOUR DU MONDE

VOYAGES AUX INDES OCCIDENTALES,

PAR M. ANTHONY TROLLOPE,
1858 - 1859
Costa Rica : San José ; le Mont-Blanco. - Le Serapiqui. Greytown.

Nous avons volontairement reproduit tel que les particularismes orthographiques et grammaticaux des textes afin d’en préserver la spécificité de l’époque…

        A Panama, M. Trollope s'embarqua sur le vaisseau de guerre anglais Vixen, qui le conduisit à Punta Arenas, sur la côte de Costa Rica; de là, il fit un petit voyage par terre jusqu'à San José, la capitale de cet État, avec le capitaine du Vixen.
" Nous partîmes le premier jour sur un chemin de fer, car il y a un tramway qui pénètre jusqu'a douze milles dans la forêt. Nous étions traînés sur ce chemin de fer par une excellente mule. On nous avait recommandé de passer la première nuit à un endroit nommé Esparza: où il ya une décente auberge. Mais avant de quitter Punta Arenas, nous apprîmes que don Juan Raphaël Mora, le président de la république, venait par le même chemin, avec une nombreuse retenue, pour inaugurer les premiers travaux du canal projeté par un Français, M. Belly, Il devait sur sa route rencontrer son confrère, président de la république voisine, le Nicaragua, à San Juan del Sur, et c'est à quelque distance de là que devait commencer-ca grand travail. Il se proposait de passer la nuit avec sa troupe à Esparza. Nous nous décidâmes en conséquence à pousser plus loin, et en effet nous y trouvâmes don Juan. - Il y était arrivé quelques heures avant nous, et sa suite remplissait le petit hôtel.
" Les jours suivants, les voyageurs s'élevèrent peu à peu au sommet du plateau élevé où se trouve la capitale San José. C'est une ville à l'aspect assez ordinaire, avec quelques monuments, une place, des casernes, etc. : elle est située à quatre mille cinq cents pieds au-dessus du niveau de la mer; aussi, bien que sous les tropiques, et à dix degrés seulement de la ligne, elle jouit d'un bon climat, et la chaleur n'y est jamais excessive.
" Aucun climat ne peut être plus favorable que celui de Costa Rica. La canne à sucre y vient à maturité beaucoup plus vite qu'à Demerara ou à Cuba. Le sol, sans engrais, y fournit deux récoltes par an. Le café y vient très-bien: le sol est volcanique et d'une indescriptible fertilité; et on a tous ces biens sans cette intensité de chaleur qui dans toutes ces régions méridionales accompagne genéra1ement la fertilité tropicale, et y rend le travail mortel pour les blancs. Je ne parle bien entendu, que des parties centrales, qui sont quelques milliers de pieds au-dessus du niveau de la mer. Le long des côtes de l'Atlantique comme du Pacifique la chaleur est aussi grande et le climat aussi malsain que dans la Nouvelle-Grenade et les Indes occidentales. Il serait difficile de trouver une ville plus mal partagée sous ce rapport que Punta Arenas. Mais, bien que le plateau de San José et l'intérieur de la contrée en général soient si favorablement situés, je ne puis pas dire que la nation soit prospère. Ceux qui réussissent le mieux ici, comme commerçants et comme agriculteurs, sont les Allemands. Presque tous ceux ·qui font des affaires sur une échelle un peu grande sont des étrangers, c'est-à-dire ne descendent pas des Espagnols. Il y a ici des Anglais, des Américains, des Français ; mais, je crois que les Allemands sont le mieux mariés au pays. Les meilleures terres à café sont entre les mains des étrangers, ainsi que les plantations de cannes et les scieries pour la préparation des bois : leur tâche est difficile ; la main-d'œuvre est extrêmement rare et chère. Le peuple n'est pas paresseux comme les nègres, il aime l'argent et l'épargne, mais les habitants sont peu nombreux, ils possèdent tous de la terre, et sont à l'aise. Aux environs de San José, une journée d'homme vaut cinq francs, encore ne peut-on toujours l'obtenir à ce prix.
"Les habitants de Costa Rica sont naturellement d'origine espagnole, mais ici, comme dans toutes les contrées voisines, le sang est très-mêlé; le sang espagnol pur est, je pense, une rare exception. Cela se voit mieux dans la physionomie que dans la couleur, et se remarque surtout dans les cheveux. Il y a un mélange de trois races, de l'Espagnol, de l'Indien aborigène et du nègre; mais les traces de ce dernier sont relativement plus faibles. Les nègres, hommes ou femmes, tout à fait noirs, d'origine ou de famille purement africaine, sont très-rares. "
" Aux environs de San José, il y a une montagne volcanique dont le nom est Irazu, On m'informa qu'elle fumait encore, bien qu'évidemment elle ne donnât point de lave. La contrée entière est remplie de pareilles montagnes. Il Y en a une, le Mont-Blanco, dont le sommet n'a jamais été atteint; telle est du moins la rumeur dans Costa Rica; très-distante, enveloppée d'autres montagnes, qu'on ne peut atteindre qu'en traversant d'épaisses forêts vierges; elle lance encore, et cela constamment, de la lave enflammée. "
" On a fait différentes excursions pour monter sur ce Mont-Blanco, mais jusqu'ici en vain. Il n'y a pas longtemps, l'ascension fut tentée par un baron français, mais lui et son guide restèrent vingt jours dans les forêts et s'en revinrent, faute de provisions. "
" Vous devriez faire l'ascension du Mont-Blanco, me " dit sir William Ouseley (sir Wiliam Ouseley était en "ce moment à San José, occupé à négocier un traité avec le gouvernement de Costa Rica), vous êtes à l'aise, " n'ayant rien à faire. C'est juste ce qui vous convient.
"C'est ainsi que sir William Ouseley faisait là satire de mes occupations habituelles; je résolus pourtant de me contenter de l'Irazu. "
Nous ne suivrons pas notre voyageur sur le sommet de cette montagne qui s'élève, dit-il, à onze mille cinq cents pieds au-dessus de la mer: nous n'y apprendrions rien autre que le récit de ses tribulations; les volcans ne sont décidément pas son fait, et sir William Ouseley se trompait.
De San José, M. Trollope se rendit à San Juan*, communément appelé aujourd'hui Greytown; le voyage n'est pas très-facile: il faut franchir le faîte de la chaîne qui sépare les eaux du Pacifique de celles de l'Atlantique, passer la nuit dans de misérables ranchos, à sept ou huit mille pieds au-dessus du niveau de la mer; il y a, une route jusqu'à un endroit nommé Desenganos, où les eaux des deux océans se divisent'; mais sur le versant qui descend vers l'Atlantique, les mulets ne descendent plus qu'avec une extrême difficulté, dans des sentiers à peine praticables. Qui croirait que, faute d'une route, tout le café qu'on récolte sur les plateaux élevés de l'intérieur ne peut se rendre dans les ports de l'Atlantique, et va faire le tour du cap Horn, avant d'être dirigé sur l'Europe. En descendant du pays élevé, on arrive à la rivière Sérapiqui que les voyageurs descendent en canot, ainsi que la rivière San Juan où le Sérapiqui se jette.
"Le Sérapiqui est une belle rivière, très-rapide, mais pas assez pour être dangereuse. Il n'y a pas une maison, pas même une hutte sur ses bords, et la forêt descend jusque dans l'eau. Dans les grands arbres sont suspendus les singes bavards, qui agitent leurs vilaines têtes devant notre bateau ou poussent des cris de colère en voyant leur territoire envahi. Les perroquets volent au-dessus de nos têtes en faisant leur musique particulière. A trois heures, nous arrivions dans le San Juan. C'est la rivière par où le grand lac de Nicaragua se déverse dans la mer, le chemin suivi par toutes les compagnies de transit qui se sont établies d'un océan à l'autre dans le Nicaragua ; les flibustiers ont tant fait que tout transit est banni de ses eaux : c'est aussi la ligne que M.Belly a choisie pour son canal. Elle a vu de terribles scènes de meurtre et de cruauté. Aujourd'hui, la rivière roule paisiblement, dans son lit large et peu profond, entre les ranchos et les dépôts de quelques sauvages colons qui sont venus chercher un asile sur ces bancs tristes, solitaires, et brûlés du soleil. "
" Le lendemain matin, nous atteignîmes Greytown, en suivant la rivière San Juan. Il ya un autre passage qui conduit à la mer par le Colorado, une branche qui, sortie du San Juan, rejoint l'Océan par un plus court chemin. On a songé à choisir cette ligne pour le canal projeté, de préférence au San Juan. Je crois ces deux lignes également impraticables, Le San Juan lui-même est si peu profond que nous touchâmes souvent le fond, même avec notre léger canot. "
" Et que dirai-je de Greytown? nous y avons un consu1 général, dont le devoir est de tenir sous sa protection spéciale le roi de Mosquitie, comme certaines personnes se plaisent à appeler cette côte, ou de la Côte des Mosquitos, comme on la nomme plus généralement. Bluefields, à quelque distance sur la côte, est la résidence préférée de ce tyran nègre; mais Greytown est la capitale de son territoire.
" De tous les endroits où j'ai jamais mis les pieds, Greytown est, je crois, le plus misérable. C'est une petite ville de deux mille habitants, à peu près, placée à l'embouchure du San Juan, et de toutes parts entourée d'eau et de forêts impraticables. Une promenade d'un mille est impossible dans toute autre direction que la plage de la mer; mais ceci n'a que peu d'importance, parce que la chaleur continuelle fait qu'on ne songe point à prendre de l'exercice. Quelques Américains y vivent ici, adorant le tout-puissant dollar comme font les Américains, et ouvrant des boutiques d'eau-de-vie et des comptoirs; on y trouve aussi quelques Anglais et quelques Allemands. En fait de femmes, je ne vis que quelques négresses, et une femme blanche, ou plutôt rouge, dans une boutique de rhum, La population indigène se compose d'Indiens-Mosquitos, quoiqu'il paraisse qu'on leur permette à peine de vivre à Greytown. On les voit se promenant dans leurs canots, vendant quelques œufs et des poules, attrapant des tortues, ou assez fréquemment en train de s'enivrer. "
De l'isthme américain, M.Trollope se rendit aux Bermudes, archipel composé de trois cent soixante-cinq îlots, encadrés par un dangereux récif sous-marin dans un espace de vingt milles de longueur et de trois milles de largeur. La gravure que nous donnons à la page suivante représente le principal mouillage de cette possession britannique.                                                                                                                                                                    Aug.Laugel.

* Note : San Juan, (del Norte) ou Greytown, est situé au Nicaragua.

Nota bene : nous apportons à la rédaction de nos sujets tout le sérieux possible. Toute remarque ou complément d’information sont les bienvenus.
La reproduction totale ou partielle des textes de nos fiches Infos, programmes, descriptifs d'hôtels et tout autre sujet est obligatoirement soumise à notre autorisation écrite.
Ecrivez-nous :
Mise à jour : avril 2012
IMAGENES TROPICALES S.A.
Apto 12 664 - 1000 - San José - Costa Rica (CA) Tél : (506) 22 58 48 38 - E-mail :


Imagenes Tropicales l’agence de voyages francophone de votre circuit, séjour, vacances, autotours…
Tourisme en Amérique centrale : Costa Rica, Nicaragua, Panama, Belize, Guatemala, Honduras, El Salvador.